Cette réflexion aborde la problématique de l’identité genrée qui est un principe fondateur du système de parenté chez les Lyele, une communauté majoritaire de la commune rurale de Réo dans la région du Centre-Ouest burkinabè. Cette contribution cherche à montrer que, parce que l’identité est le produit d’une construction culturelle du féminin et du masculin, l’uniformisation des genres que porte l’état civil jette le trouble dans ces sociétés aux statuts différenciés et sonne comme une remise en cause de l’identité culturelle de cette communauté en tant que cadre d’ancrage de l’identité de l’homme et de la femme. La méthodologie employée est fondée sur une approche combinant la méthode juridique et la démarche sociologique. Ainsi, elle allie analyse documentaire et techniques empiriques (entretiens, récits de vie, observation) qui donnent la parole aux acteurs, notamment les parents géniteurs, les jeunes, les agents en charge de l’état civil (au niveau national et local) et des personnes ressources. A terme, il apparait que l’intervention du droit dans la vie quotidienne des individus est vécue comme une violation de l’identité culturelle lyele; la communauté s’érigeant contre l’emprise d’un droit étatique accusé de détruire les pratiques sociales, expression de règles émanant du quotidien même de la communauté, au profit d’une volonté abstraite visant à desenchâsser l’individu du cadre social duquel il tire son essence. Cela, parce qu’il y a une opposition de registres entre la logique étatique d’identification des citoyens et celle communautaire portée par les Lyele. Ainsi, les Lyele sont otages de ces deux logiques : d’une part, on a une logique prisonnière des repères culturels de la communauté et, d’autre part, un système national d’identification fondée sur une grille unique et universelle dans une perspective de « modernisation » de l’état civil. L’élément dont cette communauté s’accommode le moins, c’est la perception selon laquelle cette réforme se présente comme une « imposition de la logique dominante » au niveau national. Ainsi, sous le couvert de la modernisation de l’état civil, c’est l’impérialisme des ethnies ou groupes sociaux majoritaires sur les minorités. Cela porte le gène d’une menace qui est celle de l’uniformisation des cultures, dans un pays où la diversité culturelle est magnifiée à travers une manifestation d’envergure qu’est la Semaine nationale de la culture (SNC). Les susceptibilités qui se développent autour de ce mécanisme d’harmonisation se présentent pour les filles lyele comme une menace à l’exercice de leur citoyenneté et de leurs droits civiques. Mais, doit-on être obligé de renoncer à sa citoyenneté communautaire pour pouvoir exercer une citoyenneté d’Etat ?
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