Les corps biologiques ont toujours été des points d’appui réflexifs aux imaginaires individuel et collectif selon les sociétés. Ils portent des modifications représentatives dans l’espace mental en fonction des maladies au fil du temps. Le poids du sida sur l’état physique du malade au début de sa propagation a été illustré par des images publiques délibérément choquantes de corps minces, atypiques, véhiculées par les médias audiovisuels en vue d’une mise en garde de tous contre le danger-sida. Ces images de corps délabrés des malades n’ont pas manqué de frapper l’imaginaire corporel portant sur la minceur. Elles ont façonné une représentation légitime de tout malade typifié de la sorte, déchiffré comme « sidéen » par son entourage familial, professionnel ou public à chaque occasion de sa présence physique. Ce décryptage sémantique de la morphologie mince a joué dans les rapports conflictuels avec les individus bien-portants qui chassent ce corps mal perçu en conflit avec le corps social. Mais l’avènement des antirétroviraux (ARV) dans les soins a donné l’espoir au malade de vivre avec la resocialisation corporelle et la production de ses images. Le corps mince dans une certaine « altérité » est aussi soumis à des soins plastiques et techniques d’entretien visant son esthétisation. Si la maigreur est un marqueur physique du discours dénigrant le malade du sida, le corps charnu est un support de reconquête par la substitution de l’image médisante dans les imaginaires individuel et collectif. Il distille une sensation d’esthétique rattachée à l’augmentation harmonieuse de volume charnel. À ce titre, le corps charnu, en interrelation visuelle avec l’imaginaire collectif, est intimement lié aux soins biomédicaux et à l’alimentation en quête d’une réparation des discrédits corporels. En fin de compte, les attributs corporels esthétiquement rétablis équipent l’individu pour une jouissance pragmatique, dans l’interstice des espaces privé et public, avec des stratégies de fabrication d’images valorisantes de soi, qui entrent dans les catégories représentatives des corps individualisés en quête de réintégration sociale.
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