Les romanciers africains comme Ahmadou Kourouma écrivent en français mais essaient d’adapter cette langue à leur contexte d’énonciation. C’est dans cette perspective que Jean-Pierre Makouta M’Boukou note : « les négro-africains écrivent en français, en anglais, en espagnol ou en portugais, déclare-t-on toujours. C’est que ces Africains ne font jamais totalement table rase de leur origine linguistique. On retrouve dans leurs œuvres de page en page, de chapitre en chapitre, des passages entiers en langues maternelles1 ».
À côté de cette littérature écrite, il y a la littérature orale. On peut donc établir un lien entre ces deux littératures. Si le XXe siècle a connu le développement des littératures écrites en Afrique subsaharienne, cela ne doit pas faire oublier l’importance de la littérature orale. Comment celui qui écrit donne-t-il forme à sa passion d’écrire, à partir de son vécu personnel et d’un noyau de relations aux langues dans lesquelles il écrit ? L’écriture apparaît alors comme un espace de tension et de rencontre entre des langues différentes, espace à l’intérieur duquel l’écrivain doit trouver sa langue, sa ligne propre, unique, d’invention et de création2.
Ahmadou Kourouma a toujours fait la part belle à sa culture et tradition malinké dans ses œuvres. Il est l’un de ceux qui privilégient la cohabitation entre langues africaines et occidentales. On pourra noter à juste titre que son écriture s’apparente à une « oraliture » au sens où l’entend Claude Hagège. Elle charrie des interférences pour transgresser à la fois les codes normatifs et les frontières grammaticales entre écriture et oralité mais aussi entre préceptes africains et concepts occidentaux. C’est le lieu de l’expression et de l’épreuve géocritique manifestés par son principe de trangressivité. La géopolitique culturelle se manifeste chez l’auteur par l’actualisation de sa culture dans une écriture héritée de l’Occident. C’est donc par la transgression au sens géocritique ; c’est-à-dire au sens de franchissement où de mezzo-crossing comme l’indique Diandué Parfait3, que fleurit la géopolitique culturelle.
C’est pourquoi, le débat visant à présenter Ahmadou Kourouma comme un écrivain au carrefour de la tradition et de la créativité moderne est digne d’intérêt. Le romancier utilise, en effet, des formes particulières d’interférences avec la langue malinké. On peut se demander quelle signification politique donner à cette stratégie narrative ? Le roman d’Ahmadou Kourouma, Quand on refuse on dit non, épouse les réalités linguistiques, culturelles et identitaires du terroir malinké. La problématique touche la tradition mandingue et, dans une certaine mesure, la question du panafricanisme à travers l’étude de la dimension politique de l’interférence entre langues africaines et langue française dans le roman d’Ahmadou Kourouma
La particularité de la langue d’écriture d’Ahmadou Kourouma, dans ces deux romans de guerre, est calquée sur « le parler de rue », une posture linguistique ou langagière marquée par son caractère hétéroclite et diglossique. Une identité linguistique littéraire qui invite au débat autour du sens politique de la langue d’écriture du romancier ivoirien. La démarche méthodologique va s’atteler d’abord à présenter l’auteur dans son rapport à l’oralité. Ensuite, il s’agira d’étudier les interférences que sont : les calques, les emprunts lexicaux et les interférences morphosyntaxiques. Quelles fonctions idéologiques remplissent-elles ? Face au problème linguistique on peut observer que l’attitude des écrivains africains a beaucoup changé. Plusieurs d’entre eux optent pour une décolonisation des langues africaines
roman, oralité