Afin de contribuer à résorber son déficit énergétique, le Burkina Faso s’investit depuis plus d’une décennie, dans la
filière biocarburant à base de Jatropha curcas pour la production d’huile végétale brute et de biodiesel. Cela s’est
traduit par l’implantation de plus d’une dizaine de petites unités de presse à travers le pays. Cette activité est
pourvoyeuse de revenus pour de nombreuses populations mais, engendre aussi la production de sous-produits
constitués de tourteaux et de coques, représentant plus de 85 % de la biomasse des graines. Bien que le tourteau
soit un résidu riche en azote, en phosphore, en potassium et en carbone, avec une teneur élevée en protéines (au
moins 16% avec des acides aminés essentiels sauf la lysine), la présence de composés antinutritionnels (phytate,
tanin, inhibiteur de trypsine) et d’esters de phorbol toxiques, en limite l'utilisation comme compléments
alimentaires ou comme biofertilisants. Les tourteaux se sont révélés toxiques pour les poissons comme les carpes
et inhibent fortement la germination des graines et la croissance des racines. L’élimination de ces composés ou
tout au moins une diminution de leur concentration à des taux raisonnables, ouvrirait de nouvelles perspectives
dans son utilisation comme provende pour les animaux et biofertilisants pour l’agriculture. En outre, cela
permettrait de protéger l’environnement et de générer des ressources supplémentaires pour améliorer la
rentabilité du secteur des biocarburants.
L’objectif général de ce projet est de contribuer à lutter contre la pauvreté et l'insécurité alimentaire à travers la
valorisation des tourteaux de Jatropha curcas en provende pour les animaux et en biofertilisant pour l’agriculture.
Il s’articulera autour de :
(i) la sélection à partir d'aliments locaux et de résidus agro-alimentaires, de souches de champignons filamenteux
non toxinogènes capables de détoxiquer les tourteaux de Jatropha curcas,
(ii) la production d'un produit détoxiqué et enrichi en protéines pour l'alimentation animale par l’application de la
Fermentation en Milieu Solide sur les touteaux de Jatropha en utilisant les souches sélectionnées,
(iii) la production de biofertilisant à partir des tourteaux de Jatropha curcas par l’application de la technologie des
Microorganismes Efficaces (ME) pour une utilisation en agriculture,
(iv) la formation des étudiants et des acteurs du secteur Jatropha sur la valorisation biotechnologique des
tourteaux.

Nous avons rencontré des unités de transformation agroalimentaires industrielles et traditionnelles pour non seulement présenter le projet mais aussi collecter des échantillons alimentaires et de résidus ainsi que pour nouer des collaborations dans le cadre de la valorisation de leurs résidus. D’autres rencontres ont été organisées avec des promoteurs de Jatropha au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire dans l’objectif de dresser l’état des lieux et de nouer des partenariats pour le transfert des technologies qui seront développées.
Nous avons ainsi pu isoler à partir des aliments locaux, de fromages industriels et des résidus agroalimentaires des souches fongiques. La capacité de ces souches à se développer sur les tourteaux comme substrat a été évaluée ainsi que leurs aptitudes à produire certaines enzymes hydrolytiques (lipase, amylase, protéase, cellulase) par des tests qualitatifs. Par ailleurs, nous avons effectué des tests de production de biofertilisants à base de tourteaux de Jatropha par la technologie de la Litière Forestière Fermentée en faisant varier les co-substrats et les conditions expérimentales (taux d'humidité, température). La phytotoxicité a été évaluée à travers la germination de graines de gombo, de laitue et de tomate. Ces travaux se déroulent avec l’implication des membres de l’équipe dans l’encadrement des étudiants.
Au plan national, nous avons soumis deux résumés rédigés avec les premiers résultats obtenus pour des communications au "Symposium International sur la Science et la Technologie (SIST)" prévu dans le dernier trimestre de 2023. Deux articles scientifiques sont également en cours de rédaction avec les résultats obtenus. Par ailleurs, les initiatives pour rencontrer l’ONG Terre et Humanisme travaillant dans l’agriculture biologique au Burkina Faso se sont révélées infructueuses compte tenu du contexte dans la sous-région sahélienne.
Au plan international, nous avons participé aux journées " The Future of Sustanaible Biomass Valorisation (TFO)" co-organisées par l’IRD, l’ambassade de France en Tunisie et SoScience. Cet évènement a été conçu pour créer des partenariats multi-acteurs et inventer des solutions durables et pour co-construire des activités socio-économiques durables de valorisation de la biomasse végétale par des solutions low-tech. Nous avons également participé au séminaire annuel de la communauté des savoirs de l'IRD sur les systèmes alimentaires durables (SyaD) du 22- 24 novembre 2022. Les travaux qui se sont déroulés ont porté sur l’appui au montage de consortiums et projets de recherche pour construire des systèmes alimentaires durables. Elles ont abouti à la formulation d’idées de projets de recherche et de production scientifiques.

IRD, ANSSEAT, INERA